Les achats de glyphosate en Occitanie
Étude des facteurs potentiels favorisant la baisse de ces achats
Focus comparatif entre Gard et Hérault
Le Plan Ecophyto vise à réduire l’usage des produits phytopharmaceutiques ainsi que les risques et les impacts sur la santé et l’environnement. Parmi eux, les herbicides sont très utilisés. Le glyphosate fait d’ailleurs l’objet d’un plan national spécifique.
Le glyphosate est le premier herbicide acheté en Occitanie. Ses achats régionaux sont en baisse, et cette diminution est particulièrement notable dans le Gard.
La présente étude propose une comparaison entre le Gard et l’Hérault. Ces départements sont relativement proches en termes d’organisation topographique, de climat et d’assolement. La baisse d’achats de glyphosate observée dans l’Hérault est cependant moins importante. L’analyse réalisée vise à déterminer les facteurs pouvant expliquer les deux trajectoires de baisse observées dans ces départements. Ce travail se base sur les données existantes et leur utilisation au niveau géographique du code postal lorsque cela est possible (cf encart méthodologique).
Les achats de glyphosate en baisse en Occitanie...
Entre 2014-2016 et 2019-2021 (moyennes triennales), les achats de glyphosate diminuent de 16 %, soit 191 tonnes. Cette baisse est encourageante mais reste loin des objectifs escomptés de sortie du glyphosate.
… grâce à la règlementation
Cette baisse des achats peut être rapprochée en quantité au segment « non classé ». Ce segment regroupe les produits, contenant du glyphosate, mais aujourd’hui retirés de la vente par non renouvellement de leurs autorisations de mise en marché. La quantité de glyphosate achetée au sein des produits du segment « agricole » reste prédominante dans le temps.
Un temps d’avance dans le Gard ?
Cette baisse des achats de glyphosate est plus ou moins marquée dans les treize départements d’Occitanie. Une diminution notable est observée dans le Gard, de 32 % entre 2014-2016 et 2019-2021. Cette baisse contribue à plus du quart de la baisse totale occitane. Le Gers et l’Hérault, les deux plus importants acheteurs de glyphosate en quantité, voient également leurs achats diminuer mais dans une moindre importance, respectivement 18 % et 11 %.
BAISSE GENERALISÉE DES ACHATS D’HERBICIDES DANS LE GARD
Moins d’herbicides
Le glyphosate n’est pas la seule substance herbicide dont les achats baissent dans le Gard, l’ensemble des herbicides sont concernés par une diminution de leurs achats. Le glyphosate ne serait donc pas substitué par une autre substance active herbicide.
Moins de substances dangereuses
L’indicateur européen de risques harmonisés (HRI-1) baisse de 62 % dans le Gard en ce qui concerne les herbicides, contre moins de 50 % dans les autres départements occitans. Cet indicateur pondère les quantités de substances actives achetées par le risque qu’elles représentent pour la santé et l’environnement.
Ainsi, la baisse des achats d’herbicides dans le Gard, est couplée à une diminution des achats d’herbicides dangereux pour la santé et l’environnement.
L’Indicateur de Risques Harmonisés, établi par la réglementation européenne, est fondé sur le risque relatif aux quantités de substances actives contenues dans les produits phytopharmaceutiques mis sur le marché. Il correspond à la somme des quantités de substances actives achetées, pondérée par les coefficients liés à leur classification toxicologique. Les coefficients de pondération reposent sur la classification des substances actives des produits phytopharmaceutiques établie par la réglementation européenne. Ces coefficients de pondération ont été définis de façon à refléter les risques sur la santé et l’environnement associé aux substances concernées.
Premier acheteur d’herbicides biocontrôles
Les herbicides du segment biocontrôle restent marginaux mais émergent néanmoins, notamment avec l’acide pélargonique. Depuis 2017-2019, le Gard est le premier département acheteur d’acide pélargonique.
FACTEURS EXPLICATIFS DE LA BAISSE D’USAGE DU GLYPHOSATE
L’analyse suivante vise à déterminer les facteurs pouvant expliquer cette baisse, par la comparaison des caractéristiques du Gard et de l’Hérault aux trajectoires différenciées.
Les évolutions de l’assolement
Une diminution de la SAU ?
La SAU reste stable autant dans le Gard que dans l’Hérault. Si on considère uniquement la SAU potentiellement traitée par du glyphosate (hors prairies permanentes et jachères), une légère diminution (environ 5 %) est observée. À l’échelle des codes postaux, les évolutions de la SAU potentiellement traitée par du glyphosate sont plus notables, les surfaces peuvent augmenter de plus de 20 % ou divisées par deux selon les territoires.
Une évolution de l’assolement ?
Dans le Gard et l’Hérault, la viticulture est la culture majoritaire, suivie par les grandes cultures et l’arboriculture. Les grandes cultures sont en nette diminution dans ces départements avec une baisse de respectivement 33 % et 26 % des surfaces entre 2014-2016 et 2019-2021 dans le Gard et dans l’Hérault.
Dans le Gard, cette baisse est contrebalancée par l’augmentation des surfaces fourragères et herbacées a priori peu consommatrices de glyphosate. D’après les enquêtes de pratiques culturales en viticulture, le glyphosate est le principal désherbant utilisé en viticulture et, en grandes cultures, le glyphosate figure en troisième position pour le désherbage.
Évolution du ratio entre les achats et la surface potentiellement traitée
Les achats du Gard diminuent de 32% contre 11 % dans l’Hérault. Rapportés à la surface potentiellement traitée, les achats de glyphosate en kg par hectare sont plus importants dans l’Hérault. Rapportée à l’hectare, la baisse est de 5 % dans l’Hérault contre 32 % dans le Gard entre 2014-2016 et 2019-2021.
La baisse observée dans le Gard concerne la quasi-totalité des codes postaux. Dans l’Hérault, davantage de disparités sont observées au niveau des codes postaux.
Un enherbement des vignes et une évolution du désherbage
D’après les enquêtes de pratiques culturales en viticulture, l’enherbement inter-rang domine dans les vignes du Gard et de l’Hérault. Cette pratique s’est davantage développée dans le Gard. Toutefois, l’analyse relative à l’enherbement des vignes est à prendre avec précaution car le plus souvent dans ces départements, les vignes ont un enherbement hivernal.
Il conviendrait de mieux connaître la pratique de l’enherbement et notamment des destructions (chimique ou mécanique) qui interviennent au printemps en vue de limiter la concurrence entre couvert et vigne durant les périodes sèches.
Pour les vignobles en enherbement inter-rang, une tendance de diminution du désherbage chimique seul et d’augmentation du désherbage mécanique seul est observée dans le Gard. Dans l’Hérault, ces tendances sont moins notables. Dans les vignes non enherbées, le désherbage chimique seul diminue pour ces deux départements.
Incidence des aides octroyées à la mécanisation du désherbage
L’investissement dans du matériel de désherbage mécanique doit se traduire normalement par un usage moindre de désherbants et notamment de glyphosate.
Deux types d’aides à la mécanisation ont été mises en place : les aides du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER – type d’opération 413) et les aides FranceAgriMer issues du plan de relance. Sur la période 2014-2021, les montants d’aides attribuées dans l’Hérault sont plus élevés que ceux versés dans le Gard. Il y a également plus d’exploitations aidées dans l’Hérault que dans le Gard. Lorsqu’on rapporte les aides au nombre d’exploitations aidées, le montant reçu par exploitation est plus élevé dans le Gard que dans l’Hérault.
Quel engagement en AB dans les deux départements ?
La conversion à l’agriculture biologique se traduit mécaniquement par une suppression du glyphosate. Il y a légèrement plus de surfaces engagées en agriculture biologique dans le Gard, bien que ces surfaces augmentent sur les deux départements et dans la majorité des codes postaux. Les surfaces en agriculture biologique concernent en premier lieu la viticulture. Les prairies ou pâturages permanents arrivent en deuxième position parmi les cultures en agriculture biologique, suivis par les jachères. Le choix a été fait de ne pas prendre en compte ces deux types de cultures qui ne sont pas susceptibles d’être traitées par du glyphosate.
La part de surfaces en agriculture biologique relative à la surface potentiellement traitée par du glyphosate est plus importante dans le Gard que dans l’Hérault. La viticulture est la première culture en agriculture biologique dans ces deux départements. Sur la moyenne triennale 2019-2021, plus de 25 % de la vigne gardoise et plus de 15 % de la vigne héraultaise sont conduites en agriculture biologique. Bien que l’arboriculture biologique ne représente respectivement que 4 % et 2 % des cultures biologiques dans le Gard et l’Hérault, plus de 20 % des surfaces arboricoles sont conduites en agriculture biologique dans le Gard et cette proportion atteint 30 % dans l’Hérault.
L’engagement dans une mesure agro-environnementale et climatique de réduction de produits phytopharmaceutiques
Dans le Gard, la surface engagée en MAEC « réduction de produits phytopharmaceutiques » est plus importante que dans l’Hérault.
Ces MAEC sont en majorité souscrites sur des parcelles de vignes. 12 % des vignes gardoises sont engagées dans une MAEC contre 5 % des vignes héraultaises. En grandes cultures, il y a plus de surfaces héraultaises engagées dans une MAEC que dans le Gard mais cela représente moins de 2 % des grandes cultures de ces départements.
MAEC « réduction herbicide »
Ces MAEC visent à réduire l’utilisation des herbicides de synthèse. Cela suppose, pour ce faire, la mise en place d’une stratégie alternative de protection des cultures, constituée par un ensemble cohérent de solutions agronomiques limitant le recours aux herbicides à l’échelle (désherbage mécanique, couverture du sol, rotation…). Il s’agit d’une mesure pluriannuelle qui implique le respect du cahier des charges de la mesure pendant 5 ans. En cultures ligneuses pérennes (viticulture et arboriculture), l’interdiction de traitement herbicide de synthèse cible les inter-rangs ou la totalité de la parcelle suivant le degré d’engagement. En grandes cultures, l’ensemble de l’exploitation est engagé dans une réduction progressive du nombre de doses homologuées de traitements herbicides voire une absence totale de traitement herbicide de synthèse.
Qu’en est-il au niveau des aires de captages prioritaires ?
Une aire d’alimentation de captages (AAC) désigne la zone en surface sur laquelle l’eau qui s’infiltre ou ruisselle alimente le captage. Cette zone est délimitée dans le but principal de lutter contre les pollutions diffuses risquant d’impacter la qualité de l’eau brute prélevée par le captage.
Des captages sont définis comme prioritaires dans le schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE). Les captages sélectionnés correspondent aux ressources les plus dégradées par les pollutions diffuses (nitrates et/ou pesticides), et aux captages à enjeux au regard de la population desservie.
Plusieurs AAC se situent sur ces deux départements.
Ces zones sont plus ou moins étendues. Leur contour ne coïncide pas avec celui des codes postaux. Comme l’animation territoriale mise en place autour de ces captages s’étend au-delà de l’aire d’alimentation, nous avons estimé que l’extension aux codes postaux interceptés reste toutefois cohérente pour l’étude.
Ainsi, l’évolution observée des achats de glyphosate par hectare de SAU potentiellement traitée dans les codes postaux qui incluent une ou plusieurs AAC traduit une nette diminution dans ces zones en comparaison aux zones ne bénéficiant pas d’animation captage. Cette diminution des achats par hectare est de 32 % dans le Gard et de 18 % dans l’Hérault.
Pour conclure, des évolutions positives
L’analyse conduite dans les deux départements permet de mettre en évidence des tendances notables en matière d’achats d’herbicides et de pratiques de désherbage. La progression de l’agriculture biologique est importante et permet de faire l’hypothèse d’une baisse consécutive à la conversion notamment en viticulture. La contractualisation en MAEC bien que relativement limitée en surface montre également des engagements dans une transition à l’usage de moins d’herbicides, là aussi plus particulièrement en viticulture. De la même façon, les aides aux investissements semblent participer à cette évolution vers moins d’herbicides. Cette analyse ne permet pas d’éclairer de façon nette l’incidence de chacune des évolutions constatées ou de leur combinaison sur les achats de glyphosate. Toutefois, la caractérisation de la baisse avec ces différentes hypothèses et avec un modèle économétrique laisse entrevoir un lien entre baisse et facteurs explicatifs et aussi l’existence d’autres facteurs d’importance qui pourrait expliquer ces évolutions. Les achats de glyphosate semblent aussi s’inscrire dans une tendance baissière en dehors des facteurs explicatifs utilisés dans cette analyse. Un travail d’enquêtes terrain permettrait de définir ces potentiels autres facteurs et de mieux expliciter leur importance dans la diminution des achats et des usages du glyphosate.
Méthodologie
La base nationale des ventes par les distributeurs (BNVD) est une base qui recense les ventes et achats de produits phytopharmaceutiques. Ce n’est pas une base de déclaration des usages. Les données disponibles sont rattachées au code postal du siège du distributeur ou de l’acheteur. Les données de la BNVD sont censées refléter néanmoins l’usage des produits, la localisation de l’utilisation reste moins évidente. Dans la présente étude, ce sont les données au code postal de l’acheteur qui ont été utilisées. Un code postal regroupe de 1 à 10 communes.
Afin de lisser les à-coups conjoncturels d’une année sur l’autre (particularité climatique, pression sanitaire, évolution réglementaire, stocks etc.) et mettre en exergue les tendances significatives, les données sont présentées en moyenne triennale.
Ces données d’achats de produits phytopharmaceutiques ont été analysées et comparées aux données suivantes :
■ la surface agricole utile (SAU)issue du registre parcellaire graphique (RPG) de 2015 à 2021
■ les informations d’enherbement et de pratiques de désherbage associées issues de l’enquête sur les pratiques culturales en viticulture de 2019 ; ces données ne sont pas mobilisables au code postal et ne sont exploitées qu’au niveau du département,
■ les aides à la mécanisation proposées via les fonds européens agricoles pour le développement rural (FEADER) et France Relance versées sur 2015-2021,
■ les surfaces engagées en agriculture biologique (AB)de 2014 à 2021 issues de l’Agence Bio,
■ les surfaces engagées en mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) issues du registre parcellaire graphique de 2015 à 2021,
■ les aires d’alimentation de captages prioritaires (AAC).
Les données agricoles ont été rattachées au code postal du siège social des exploitations agricoles. Ainsi un décalage peut apparaître entre les caractéristiques de ces exploitations et la localisation réelle des parcelles agricoles des exploitations et par conséquent de l’usage des achats de pesticides.
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