L’Occitanie, un laboratoire pour repenser les usages de l’eau
Le Varenne agricole de l’eau, conclu en février 2022, a réuni le monde agricole autour d’une question simple : comment réinventer la gestion de la ressource en eau dans le cadre du changement climatique ? En Occitanie, région qui connaît des sécheresses très sévères, des projets permettent de révéler ce qui se joue dans la gestion de l’eau à l’échelon local.
Les discussions du Varenne de l’eau ont rappelé l’importance de l’eau dans les usages agricoles, tout en soulignant la nécessité de gérer la ressource dans la perspective du changement climatique. Il faut donc travailler, au niveau de certains territoires, à concilier ces deux objectifs. C’est la raison d’être du GIP LIA (groupement d’intérêt public « Lien, Innovation & Agroécologie ») fondé en février 2022 sous l’égide de l’État, de l’agence de l’eau Adour-Garonne et de la région Occitanie.
Ainsi que le résume son directeur Bruno Lion, « LIA contribue à l’adaptation de l’agriculture et des filières en appuyant les initiatives dans les territoires de la région où l’eau est un enjeu ». Implanté au sein de la Cité des sciences vertes, établissement d’enseignement agricole situé à Auzeville (Haute-Garonne), LIA compte 9 personnes dans son effectif, toutes ayant un profil technique sur les questions d’agroécologie. L’équipe peut mettre en œuvre des activités diverses : expérimentations et démonstrations pour tester des itinéraires techniques innovants, diagnostics de territoires et stratégies d’actions, projets pédagogiques avec le monde de l’enseignement, appui à des maîtrises d’ouvrages territoriales...
Expliciter les enjeux de l’eau pour l’agriculture
L’équipe de LIA est généralement mobilisée sur des territoires à enjeux (déficit en eau, qualité de l’eau) au sein desquels il faut trouver des solutions pour l’agriculture. L’intervention de LIA se fonde généralement sur une phase de diagnostic, au plus près des agriculteurs, à partir d’entretiens destinés à objectiver leur situation, leurs problèmes et leurs projets. Ces diagnostics individuels permettent de dresser un portrait du territoire et des enjeux de transition. Un travail avec les acteurs de filières (coopératives, négoces), du développement (chambres d’agriculture) et de la recherche (instituts techniques, INRAE) permet ensuite d’identifier des stratégies d’accompagnement des agriculteurs dans le changement.
Ce constat fait l’objet de propositions d’action co-construites avec les acteurs agricoles, qui sont alors proposées aux institutions et acteurs du territoire, et mises en débat afin de construire des stratégies d’action. En 2023, le GIP s’est mobilisé dans le Gers pour travailler sur l’évolution des pratiques agricoles en lien avec les risques de dégradation de la qualité de l’eau dus aux herbicides. Il intervient aussi sur des zones où la quantité d’eau disponible est un enjeu (rivières de la Séoune, Pyrénées-Orientales, Isle…).
« L’aspect pédagogique est important »
La présence de LIA dans un établissement d’enseignement agricole permet des programmes communs entre les deux entités pour réaliser de nombreux tests : couverts végétaux, réduction des intrants, pratiques innovantes, etc. Ces activités dans les parcelles de l’exploitation du lycée sont le plus souvent liées à des projets pédagogiques qui mobilisent les enseignants et les élèves. LIA construit pour cela des méthodes qu’il propose aux établissements afin de bâtir des démarches de projet. « L’aspect pédagogique est important, précise Bruno Lion. LIA implique les élèves dans les expérimentations et les pousse à la réflexion sur la prise de risque par la sensibilisation. »
Un canal pour garantir les différents usages de l’eau
En région Occitanie, comme ailleurs en France, il existe des outils performants dans la gestion de l’eau, qui permettent d’ores et déjà à l’agriculture d’être plus résiliente face au changement climatique. Le canal de Saint-Martory (Haute-Garonne), inauguré en 1877, constitue un réseau hydrographique de 635 km incluant un canal principal de 65 km qui puise dans la Garonne (jusqu’à 9,5 m3/seconde).
Il répond aux besoins en plaine et en agglomération toulousaine pour de nombreux usages :
- l’eau potable, grâce à cinq usines produisant pour 306 000 habitants ;
- l’agriculture, avec l’irrigation de 16 000 ha grâce à 262 points de prélèvement ;
- l’hydroélectricité, générée par 6 centrales produisant 8,8 GWh/an, soit la consommation de 1 840 foyers ;
- les fonctions de refroidissement et de défense incendie de l’industrie ;
- les loisirs, avec des lacs d’agrément et de baignade ;
- la préservation environnementale, grâce à des soutiens d’étiages et au maintien de la biodiversité.
« Au développement de l’agriculture dans le département de la Haute-Garonne depuis les années 1990, est venue s’ajouter la croissance de l’agglomération toulousaine, et maintenant le réchauffement climatique, qui conduisent à une augmentation de la consommation locale en eau », résume Yann Oudard, directeur général adjoint de Réseau31, le syndicat mixte en charge de la gestion du canal.
Cette forte pression du canal sur le fleuve nécessite un pilotage fin pour satisfaire ces besoins souvent simultanés. Ainsi, Réseau31 a privilégié l’utilisation d’ouvrages existants (canaux et retenues) qui disposaient de volumes non attribués. C’est le cas du canal en lui-même (5 millions de m3 économisés), de la retenue de la Galage à Sainte-Foy-de-Peyrolières (1,1 M m3) et maintenant la retenue de La Bure (4 M m3) : autant de volumes qui permettent au canal de Saint-Martory de moins prélever lorsque la Garonne est en difficulté.
D’autres investissements sont en cours ou envisagés afin d’améliorer le transport et le stockage de l’eau via le canal en s’intégrant dans le projet de territoire Garonn’amont porté par le Conseil départemental de la Haute-Garonne. « Chaque année, un million d’euros est dédié au système hydraulique du canal pour des travaux d’étanchéité, de soutènement et d’optimisation », précise Julien Madelpuech, directeur territorial chez Réseau31.